L’exposition Camouflages de Joan Fontcuberta est une délirante leçon de manipulation à la Maison Européenne de la Photographie jusqu’au 16 mars 2014.
La Maison Européenne de la Photographie (MEP) rentre complètement dans le jeu de Joan Fontcuberta, photographe-artiste de l’illusion et du détournement, en proposant un parcours d’exposition et une scénographie qui nous coincent dans son univers factice et pourtant si réel.
Le photographe nous fait croire à l’inénarrable de salle en salle, autour de thèmes variés traités dans le détournement de la réalité. Les 3 étages de l’exposition sont comme une mise en abime d’une œuvre qu’on ne quitte qu’une fois sorti. Les panneaux et cartels présentent chaque projet et chaque thème comme une recherche scientifique sérieuse et précise et dont on peine à remettre en cause de la crédibilité.
Le propos global de l’exposition, au-delà de susciter des gloussements, porte sur la vérité des images qui nous entourent. Le travail artistique est toujours une réalité factice même si la forme est réaliste et les artistes n’ont aucun scrupule à nous mentir [Joan Fontcuberta a fait des études de communication avant de se consacrer à l’art – CQFD]. Si Joan Fontcuberta peut nous manipuler, alors les médias le peuvent aussi.
La manipulation de l’information est le fil conducteur des salles Spoutnik et Déconstruire Osama qui détourne la couverture de faits historiques, à la frontière d’un mauvais goût jouissif et hilarant.
Déconstruire Osama et Spoutnik © Joan Fontcuberta |
Spoutnik © Joan Fontcuberta |
Joan Fontcuberta nous livre aussi ses théories scientifiques dans les séries Herbarium, Fauna et Sirènes. Les textes accompagnant les images, extrêmement sérieux et dont la charte éditoriale pastiche avec brio la description scientifique pour le non-initié, inhibent notre capacité à discerner le vrai du faux… quand en l’occurrence tout est faux.
Les photographies de Constellations et Orogenèse nous font croire à de belles images de paysages, en nous laissant quelques indices sur leur tromperie.
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La série qui m’a paru la plus vicieuse et donc la plus réussie est celle L’Artiste et la Photographie et tente de nous démontrer que les grands artistes espagnols Dalí, Miró, Tapies et Picasso étaient des photographes avant d’être des peintres.
L’Artiste et la Photographie © Joan Fontcuberta |
Miracle & Cie © Joan Fontcuberta |
Tout au long de l’exposition, on y croit, un sursaut de lucidité nous vient, donc on se sent stupide d’être tombé dans le panneau mais dès la salle suivante le propos de Joan Fontcuberta est mis en images avec une technique si précise qu’on replonge ; le doute est permanent. Passionnant, mais j’en ai presque regretté l’absence de recul critique et d’accompagnement dans la compréhension de son travail.
Infos pratiques sur l’exposition Joan Fontcuberta à la Maison Européenne de la Photographie :
Jusqu’au 16 mars 2014
Durée de visite : 1h
Victime de son succès, il faut bien compter 20 minutes d’attente en fin d’après-midi et les week-ends, jusqu’à la fermeture. Même avec cette affluence, la visite reste fluide, car c’est le passage à la caisse (une seule pour tout le flux de public) qui ralentit l’entrée. Une bonne occupation pendant cette attente : la MEP est assez avare de contenu autour de l’exposition, pour mieux en profiter je vous recommande quelques rapides recherches avant la visite.
Du mercredi au dimanche de 11h à 19h45
Tarif 8€ / TR 4,5€ / gratuit le mercredi à partir de 17h
Plus d’informations sur le site internet de la Maison Européenne de la Photographie
Constance Jacquot
Publié sur Mother Shaker