lundi 17 juin 2013

Keith Haring et son exposition "The Political Line" au musée d'Art Moderne de la ville de Paris

Keith Haring 1982 (il ne donnait pas de nom à ses
oeuvres pour ne pas influencer le spectateur)
Avis sur l'expo Keith Haring "The Political Line" au musée d'Art Moderne de la ville de Paris : est-elle à voir ou non ? OUIII !!! Visiter l'expo "The Political Line" est un grand moment de découverte et de compréhension artistique, et ce de façon totalement distincte du graphisme ou de la technicité de Keith Haring qui peuvent ne pas plaire.

J'étais loin d'être une fan acquise de Keith Haring. Je trouvais son dessin et son trait simpliste et son propos un peu facile. Et pourtant, "The Political Line" est l'une des expositions les plus passionnantes que j'ai jamais visité.



Les thèmes et la chronologie dans l'expo "The Political Line"

Dans "The Political Line", le MAM présente le travail de Keith Haring sous un aspect thématique puisque chaque salle est dédiée à un engagement politique de l'artiste, avec une certaine chronologie sous-jacente puisqu'évidamment ses préoccupations évoluèrent au long de sa vie. Ce "classement", soutenu par le panneau explicatif à l'entrée de la salle, facilite l'immersion du spectateur dans le message artistique. De plus, Keith Haring est un artiste très explicite et très franc, on est capable de lire ses peintures comme un livre ouvert. Il travaillait très vite, sans se repentir, sans pause, et ne laisse ainsi aucune place au superflu ni à l'ornemental, tant dans la forme que dans le fond.

Chaque icône, chaque geste, chaque répétition est porteur de sens. Il a créé son propre alphabet pour parler au monde. En plus de cette force conférée à ses messages, ses toiles interrogent notre vision de l'art et notre culture. Sa grande spontanéité suscite un doute sur l'achèvement de ses peintures et il revendique même la vente d'un travail qui n'est finalement jamais achevé, tout en renonçant au concept de "valeur" d'une oeuvre en choisissant des supports tels que des bâches plutôt que des toiles.
Sa technique de dessin est "simple" mais assumée, il opposait son style à celui de la Renaissance, où les artistes cherchaient à représenter le vivant, tandis que lui veut le créer par son trait, donnant ainsi un dynamisme et un mouvement perceptible à ses dessins, soutenu par les couleurs vives et franchement contrastées ainsi que par les sujets représentés : corps animés, êtres en transformation, animaux violents, foules enivrées...
Keith Haring 1981

Keith Haring 1985

Keith Haring 1981

Keith Haring 1984

Keith Haring est un artiste facile à comprendre

La satisfaction pour le visiteur de comprendre est immense (personnellement j'ai lu le dossier pédagogique avant la visite, qui convient également très bien aux adultes !) Ses messages n'ont pourtant rien de simplistes. Keith Haring a beaucoup exploité son esthétique qu'on a souvent vu sur divers objets, mais isolé sur une bâche, l'attention n'est pas détournée par le support et le message prend davantage de force. Evidemment, il dénonce le racisme et le capitalisme en masse, mais fait preuve d'une grande nuance dans sa critique de la religion. Il partage sa vision de l'évolution de la planète aux niveaux nucléaires et écologiques, et nous représente comme décisionnaires de ce futur. Il se montre également visionnaire dans sa représentation des médias et de leur incidence sur nos vies, notamment par le remplacement des têtes par des écrans. Il prônait également l'hégémonie de l'individu face à l'Etat et la masse et l'accès de l'art à tous, notamment par ses dessins dans le métro et sur divers batiments.
Keith Haring 1985

Keith Haring 1982





Avec cette dernière idée, l'exposition "The Political Line" nous présente ses actions concrètes pour amener l'art à tous : dessins dans le métro, peintures murales, etc... Ses "pop shops", magasins d'objets dérivés de son graphisme, peuvent aussi être considérés comme une volonté de sa part de diffuser l'art dans le quotidien de chacun.

Le MAM a fait des choix très judicieux en choisissant l'angle politique pour présenter Keith Haring et grâce à cette structure thématique. L'exposition est très agréable à visiter même lorsqu'il y a du monde, les pièces sont immenses et quasiment en continu, les supports mixés dans chaque salle pour avoir aussi bien des toiles aux murs que des objets au centre. De plus, les oeuvres sont de très grands formats, ce qui garantit au moins une bonne visibilité, au mieux une incroyable immersion.

Les phrases pour frimer :
  • "L'art naïf, c'est naze ou c'est génial. Keith Haring est absolument génial, ses traits simplistes prennent une telle profondeur."
  • "Tu peux comprendre Keith Haring comme tu lis un livre, grâce à ses icônes et symboles récurrents qui te racontent la toile."
Vous pouvez prendre des photos et le journal de l'exposition, qui fournit un bon support de visite et un souvenir de visite bien suffisant, ne coûte que 3€.

Information sur l'expo Keith Haring "The Political Line" au musée d'Art Moderne de la ville de Paris :
Jusqu'au 18 août 2013
Durée de visite : 40 min minimum, 1h suffit à prendre le temps de tout comprendre, et prévoir plus pour les acharnés qui veulent lire tous les hiéroglyphes
Tarifs : 11€ / 8€ / 5,5€ 
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, le jeudi en nocturne jusqu'à 22h (=> à privilégier, c'était parfait)
Il y a encore beaucoup de monde le week-end (30m de queue à l'extérieur du MAM) mais les billets coupe-file semblent efficace il n'y avait que quelques personnes qui attendaient. 

vendredi 14 juin 2013

Avis sur l'expo "Dynamo" au Grand Palais

Avis sur l'expo Dynamo au Grand Palais : est-elle à voir ou non ? Non. Si la curiosité peut vous y pousser, elle est trop longue et épuisante par rapport à son intérêt. Pour en parler sans la voir.

Dynamo présente les arts optique et cinétique sous toutes leurs formes d'expression au cours du XX° siècle, avec 200 œuvres par 142 artistes, dont nombreux vivants et jeunes. Ce sont des points plutôt positifs puisque le Grand Palais promeut ainsi la scène contemporaine et le visiteur en prend plein la vue avec cette exposition d'ampleur qui occupe la totalité des 2 étages des galeries du Grand Palais.
Le parcours est thématique plutôt que chronologique, thématique dans le sens que les œuvres sont rassemblées selon l'effet qu'elles produisent, leur incidence sur l'environnement ou le spectateur : battement, halo lumineux, mouvement, miroirs, transformation des matières par le mouvement, changement de l'aspect de l'œuvre selon le point de vue, etc...

La plupart des pièces présentées au long de Dynamo fonctionnent en interaction avec l'espace ou avec le spectateur, et ne peuvent pas à mon sens être considéré comme des œuvres d'art une fois isolées. Les effets provoqués sont nettement plus physiques de psychiques, contrairement à des objets d'art plus classiques comme les tableaux, sculptures... Les arts optique et cinétique sont des formes d'abstraction vouées à l'expression du mouvement et de la lumière plutôt qu'à quelconque lyrisme. Ils ne se réfèrent à aucun phénomène psychologique ni évènement de la nature ; les oeuvres  ne renvoient qu'à elle-même et à leurs incidences physiques.

Morellet : Triple X Neonly, 2012

Sobrino : Transformation Instable Juxtaposition Superposition, 1963-2011
Varini : 23 disques évidés + 12 moitiés et 4 quarts, in situ 2013

J'ai donc ressenti le propos de ces œuvres comme esthétique mais creux, néanmoins cela le rend très ludique et accessible à tous, mêmes aux enfants. Les artistes l'ont bien compris et exploitent cette facilité d'appropriation qu'a le spectateur en créant des pièces nécessitant son intervention, en proposant des œuvres-labyrinthes, en mettant les sens en situation d'inconfort par l'obscurité ou au contraire les flash, parfois jusqu'à l'extrême du confort. Je me suis sentie agressée par les pièces présentées, comme un cobaye, elles s'imposent sans laisser au spectateur la liberté de les ignorer ou des interpréter.

Ce que j'ai finalement préféré sont les tableaux de géométrie abstraire des années 30 à 60, un bon vieux Vasarely il n'y a que ça de vrai !

Vasarely : Vega-Bas, 1967


La queue pour une œuvre dans le noir à laquelle le visiteur
participe, bébé sur le dos... C'est vrai que le goût artistique
doit être forgé au plus tôt !
Pour couronner mon mécontentement, cette expo est devenue le prétexte d'une sortie familiale dans laquelle les enfants sont lâchés comme des animaux. Je ne sais si ce sont les médias, le public, ou le Grand Palais lui-même qui lui ont donné ce ton. Si vous y allez un week-end ou un mercredi, attendez-vous à voir des enfants de tous les âges, jouant, criant et courant dans les galeries du Grand Palais comme s'il s'agissait de Disneyland, sous le regard attendri des "surveillants" qui semblent apprécier l'animation et des parents trop heureux de voir leur progénitures "se cultiver". Même s'il faut avouer que le contenu de l'exposition s'y prête, il me paraît inconcevable d'avoir des enfants "en liberté" dans un musée car les parents se doivent de garder un rôle pédagogique et de respecter le travail présenté. Dynamo, en autorisant ces comportements, ridiculise tout un mouvement en faisant en quelques sortes des arts cinétique et optique des espèces de "sous-art" à livrer en pâture au grand public ignare. Or, je ne pense pas que ces arts soient à sous-qualifier ni que le grand public, même inhabitué, ne soit débile, donc le Grand Palais nous prend pour des pigeons en nous présentant l'expo Dynamo ainsi.

Dynamo ou la sortie du dimanche. Pauvre Julio Le Parc...

Je vous recommande donc vivement, si après tout cela l'envie de voir Dynamo vous prend encore, de choisir une fin de journée (expo ouverte jusqu'à 20h) ou la nocturne (22h le mercredi) pour être au calme et entre adultes ;-)

Les phrases à sortir pour frimer sans voir l'expo Dynamo au Grand Palais :
  • "C'est bien qu'une grosse institution comme le Grand Palais présente autant d'artistes dont certains jeunes."
  • "Les œuvres sont amusantes mais un peu creuses. Tu sais les arts optique et cinétique sont des abstractions basées sur le mouvement, il n'y a aucun lyrisme là-dedans."
  • "Je me suis sentie agressée par les pièces présentées, comme un cobaye, elles s'imposent sans laisser au spectateur la liberté de les ignorer ou des interpréter. Heureusement qu'il y avait quand même quelques bons vieux Vasarely à comtempler !"
  • "Le Grand Palais et les médias ont fait de Dynamo une mascarade en la présentant comme une expo familiale. Des enfants courraient partout, c'est un manque de respect total aux arts cinétique et optique."
  • "Franchement, ça vaut pas le coup. C'est cher, l'expo est très longue, avec les flash de partout tu vas ressortir crevé."

Informations pratiques sur l'expo Dynamo au Grand Palais :
Jusqu'au 21 juillet
Ouvert tous les jours sauf mardi de 10h à 20h et le mercredi jusqu'à 22h
Tarif : 13€ / TR : 9€
La queue est raisonnable à présent, vous n'êtes pas obligé de réserver.
Durée de visite : grand minimum 1h, pour être à l'aise prévoir 2h30

Constance Jacquot

mardi 4 juin 2013

Avis sur le roman "Les infortunes de la vertu" par Sade


Avis sur Les infortunes de la vertu par Sade : ce livre est-il à lire ou non? Ce n'est, à mon sens, pas la lecture la plus indispensable de Sade.

Précision : J'ai lu par le passé Les cent vingt journées de Sodome par Sade et j'ai trouvé cet ouvrage beaucoup plus amusant (le souvenir n'en est pas assez frais pour que j'en fasse un article) et je recommande plutôt cet ouvrage comme première lecture de Sade, plus léger et "instructif", qui se contente de vanter la débauche sexuelle et non morale.

Les infortunes de la vertu relate les aventures de Justine, jeune fille abandonnée par sa famille en même temps que sa sœur aînée alors qu'elle avait 12 ans. L'aînée se prostitue pour survivre et mène une vie licencieuse qui la mène à la prospérité. La cadette choisit le chemin de la vertue qui ne la pousse d'un malheur à un autre. Les "vertus vexées" sont successivement la pudeur, la bienfaisance, l'horreur du mal, la piété, la naïveté et la prudence, qui sont "récompensées" par le vol, le viol, l'esclavage, la torture et la pauvreté.

Dans ce "conte" écrit en 1787 en une semaine alors que Sade était emprisonné (pour attentat à la pudeur, aux bonnes meurs ou quelque chose de ce goût), il nous livre une caricature avec des défauts vicieux et sans demi-mesure qui sont élevés au rang de force et d'intelligence, opposés à une bonté et une honnêteté de Justine extrêmes, détournées en une candeur stupide, faible et impuissante. Tout au long du roman, la vertu laisse à Justine pour seule bouée la fuite.

Les infortunes de la vertu est un livre bien évidemment impartiale, exagéré et finalement sans finesse, c'est ce qui m'a surtout gênée. Il prône le vice dans le but de corriger les injustices du sort, comme le montre le parcours couronné de succès de l'aînée débauchée et maligne, et dénonce grossièrement la religion comme couverture pour les obsédés sexuels les plus pervers, notamment à travers un épisode dans lequel Justine, voulant confesser ses pêchers involontaires, se retrouve emprisonnée dans un couvent isolé, esclave sexuelle des 4 moines tout à fait libertins qui y résident (Sade ne lésine évidemment pas sur les détails graveleux).

En conclusion, Les infortunes de la vertu sont présentées sans aucune subtilité, ce qui en décribilise le propos, et n'en fait finalement un livre écrit pour exciter le bourgeois par les descriptions explicites des actes sexuels pervers et la mise en scène des interdits, correspondant certainement à leurs profondes envies frustrées. Dans notre société, ça n'a plus vraiment de sens.

Alors lisez plutôt Les cent vingt journées de Sodome, c'est bien plus amusant et ça reste graveleux, du grand Sade.

Constance Jacquot