mercredi 20 novembre 2013

Erwin Blumenfeld et ses photos de mode au Jeu de Paume

Le Jeu de Paume reçoit Erwin Blumenfeld, photographe de mode iconique des années 40 et 50, pour sa rétrospective la plus complète jamais exposée en France.

Avec une majorité de tirages d’époque, difficiles à rassembler pour cet artiste très côté sur le marché de l’art pour qui les numérisations et tirages modernes sont courants, le Jeu de Paume s’affirme une fois de plus comme un lieu de référence de la photo. Contrairement aux précédentes expositions plus difficiles à aborder, le Jeu de Paume propose ce photographe extrêmement connu et à l’esthétique accessible à tous.

Variante de The Picasso Girl, 1941

Erwin Blumenfeld a eu une vie très riches d’expériences et de découvertes. Né en 1897 et mort en 1969, il a connu toute l’évolution de la photographie, ainsi que les bouleversements historiques des guerres mondiales. L’exposition qui lui est consacré aujourd’hui présente surtout la variété de techniques et procédés qu’il a abordé. Contrairement à ce qui est écrit dans les documents autour de l’exposition, je trouve qu’on ressent assez peu l’impact de l’histoire sur son travail, à l’exception de son montage allégorique d’Hitler daté de 1933, Gueule de l’horreur ; il a toujours su mettre au profit de sa carrière ses émigrations successives.

Erwin Blumenfeld a marqué l’histoire par son travail en tant que photographe de mode pour le groupe de presse Condé Nast et particulièrement ses titres Vogue et Harper’s Bazaar. Ce style photographique peut paraître figé et aseptisé, plus « pratique » qu’artistique, et l’exposition permet justement de comprendre toute l’évolution et la réflexion artistique de ce type de photographe à travers l’exemple de la carrière de Blumenfeld, présenté ici chronologiquement.

L’exposition s’ouvre sur ses dessins et collages de jeunesse qui montre un fort attrait pour les dadaïstes. On découvre ensuite ses autoportraits, réalisés sur un ton récréatif, puis ses premiers nus et portraits, objets d’expérimentations de techniques et de procédés créatifs comme la solarisation (inversion des valeurs lumineuses sur une zone de l’image), la surimpression (superposition d’image), le photogramme (image photographique obtenu en plaçant des objets sur le film, puis à la lumière, c’est-à-dire sans appareil photo). Au-delà de la simple compréhension de l’artiste, l’exposition est aussi une source d’inspiration pour tous les artistes qui la visitent, à travers cette multitude de supports et de techniques.

Cecil Beaton, 1946 - Une solarisation d'Erwin Blumenfeld

Une salle, la plus inattendue, expose ses photographies d’architecture, très originales par les cadrages extrêmes et les contrastes exacerbés. Enfin, on voit évidemment les œuvres qui l’ont rendu célèbre, ses couvertures de magazine et autres photos de modes en noir et blanc, certaines en couleurs, dans un style minimaliste qui lui est particulier.

Mode-Montage vers 1950
Trois profils, 1952
Gueule de l'Horreur, 1933
The women serve, Harper’s Bazaar, 1943
Couverture Vogue, 1950

Aussi intéressante qu’elle soit, l’exposition Blumenfeld témoigne surtout d’une carrière et d’une maîtrise technique, qui peut laisser tout à fait froid ; j’ai ressenti peu d’émotion se dégager des clichés. De nombreuses photos sont de petits formats, et le lieu qu’est le Jeu de Paume, d’une neutralité sans aucun charme, ne les met pas spécialement en valeur, si visu-affbien que certains esprits pragmatiques affirmeront que l’exposition n’apporte pas de plus-value et que la lecture du catalogue est tout aussi intéressante (catalogue à 35 €, malheureusement le Jeu de Paume ne propose pas de petites publications plus digestes et abordables).

Néanmoins, le Jeu de Paume compte parmi l’un des quelques lieux d’exposition visitable sans réservation et sans foule en ce moment. Seulement 10 minutes d’attente un après-midi de week-end, et une circulation aisée dans les salles, une visite qui peut se faire dans le calme et la concentration, alors que les blockbusters du musée d’Orsay, du Grand Palais et de l’Orangerie sont absolument saturés.
D’autre part, le prix d’entrée est très raisonnable et des visites conférences, sans supplément de prix, sont proposés le mercredi et le samedi à 12h30.

Infos pratiques pour visiter l’exposition Erwin Blumenfeld au Jeu de Paume :


Jusqu’au 26 janvier 2014
Durée de visite : 45 minutes
Une application à télécharger vous guide dans la visite. Les dépliants disponibles sur place sont déjà longs et complets. Vous pouvez aussi consulter le dossier pédagogique, documenté et facile à comprendre.
Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 19h, nocturne le mardi jusqu’à 21h
Tarif 8,5 € / TR 5,5 € (gratuit le dernier mardi du mois à partir de 17h pour les -26 ans et les étudiants)

Plus d’informations : Site du Jeu de Paume

Constance Jacquot
Article publié sur Mother Shaker

dimanche 10 novembre 2013

La fondation Miró de Barcelone, immersion complète dans l’univers de l’artiste

La fondation Miró de Barcelone est un espace d’exposition exceptionnel et impressionnera les passionnés de culture par son histoire et son ampleur.

Les amateurs de l’artiste ressortiront comblés, mais il nécessaire d’avoir des notions artistiques ou tout simplement une certaine ouverture d’esprit pour accepter et apprécier les œuvres de Miró lorsqu’on est novice, au risque de passer à côté de la beauté de ses œuvres et de n’y voir que des dessins puérils. Miró est l’un des plus grands artistes catalans et provoque des réactions fortes, soit on adore, soit on déteste, à la manière de la grande figure artistique de Barcelone, Gaudì.

La Fondation Miró ©Pere Pratdesaba

Miró s’est attaché tout au long de sa carrière à assurer la transmission de son travail et à conserver une importante collection personnelle, qu’il a centralisé dans cette fondation privée. Ouvert en 1975, alors qu’il n’y avait pas de centre d’art contemporain à Barcelone, cet établissement fait figure de pionnier et consacre depuis son espace d’exposition temporaire à un artiste vivant.

La fondation Miró de Barcelone est un voyage exhaustif dans son œuvre, de manière chronologique et thématique, qui complété par l’audio guide (5 €) permet de comprendre les étapes de son travail et de décrypter son œuvre.

Miró a travaillé plusieurs techniques, support et styles. De salle en salle sont présentés alternativement ses toiles, dessins, tissages, impressions, peintures, sculptures. Son œuvre appartient principalement à l’expressionnisme abstrait mais on découvre aussi quelques pièces figuratives. Cela représente une masse d’informations passionnantes mais difficile à ingérer en une seule visite (certains pourront reprocher le manque de synthèse du parcours), j’y suis restée 2h et je n’ai pas tout vu.

La visite est en tout cas très agréable car l’affluence est faible en basse saison (mais beaucoup plus importante en haute saison, m’a-t-on dit) et le bâtiment lui-même vaut d’être vu, pour son architecture originale et les sculptures disséminées sur les terrasses et dans les jardins. Situé sur le Montjuïc, colline à l’est de la ville sur laquelle équipements olympiques modernes côtoient des villes pierres, on y profite d’une imprenable vue sur Barcelone.

Personnage 1970
© Pere Pratdesaba
Le toit de la Fondation Miró
La Famille 1924
Peinture Figures Rythmiques 1934

Infos pratiques pour visiter la fondation Miró de Barcelone :


Durée de visite : de 1h à la journée pour les plus mordus !
11 € / TR 7 €, c’est cher mais ça les vaut vraiment ( l’entrée est inclus dans certains passion de la ville notamment le très bon Articket, 6 musées pour 30€)
De 10h à 19h sauf lundi (jusqu’à 20h l’été), nocturne jusqu’à 21h30 le jeudi, fermeture à 14h30 le dimanche.

Plus d’informations : Site de la fondation Miró

Constance Jacquot
Article publié sur Mother Shaker

jeudi 24 octobre 2013

Arno Rafael Minkkinen : un photographe sans artifice

Je viens de découvrir le photographe américano-finlandais extraordinaire Arno Rafal Minkkinen. Il travaille en noir et blanc tout en évitant les mise en scène commune, avec la difficulté de l'autoportrait et sans aucune retouche ! L'image qu'on voit est exactement ce qui apparaissait dans son viseur. Une leçon de photographie.

Beach Pond, Connectinut - 1974

Two Birches - 2005

Buonconvento, Italy - 1998

Fosters Pond - 1990

1.1.2000 Fosters Pond Millennium - 2000

Site du photographe Arno Rafael Minkkinen

samedi 21 septembre 2013

La rétrospective Roy Lichtenstein au Centre Pompidou

L'exposition Roy Lichtenstein au Centre Pompidou est à ne pas manquer : vous sortirez des sentiers battus en découvrant l’œuvre de ce peintre très connu du grand public dont les tableaux appartiennent à l'"imagerie collective".

Aucun excuse pour la rater, le Centre Pompidou est ouvert jusqu'à 23h !

Roy Lichtenstein est irrémédiablement associé, et à juste titre, à cela :
M-Maybe de Roy Lichtenstein, 1965
C'est là que vous vous dites "Mais oui, bien sûr, je connais". La réalité est que vous ne connaissez que la part iconique de sa carrière. L'exposition Roy Lichtenstein est en cela destiné à tous les publics, c'est la sortie culturelle agréable et facile pour tout le monde, qu'on soit amateur d'art ou non. Les pièces sont jolies, au sens esthétique commun, et compréhensibles. L'artiste a beaucoup parlé de son travail et les citations sont nombreuses sur les cartels ; ce procédé rend très vivante l'apprentissage des œuvres.

Le Centre Pompidou nous offre une rétrospective très bien structurée dans laquelle nous sommes guidées à travers les différentes périodes et thèmes, sans risque de nous perdre.

Des tableaux iconiques de Roy Lichtenstein


Oh, Jeff... I love you, too... But... - 1964
Au début de sa carrière, Lichtenstein peint du figuratif et du naïf, et se tourne vers l’expressionnisme abstrait. Il met rapidement en place le procédé qui le rendra célèbre : il utilise un sujet publicitaire ou tiré d'une BD, agrandit et recadre l'image pour la reproduire avec la texture industrielle et plate du format d'origine. Il assume cette fascination pour les couleurs criardes et les visuels commerciaux, ainsi que l'utilisation d’acrylique, peinture plutôt bas de gamme. Le motif des points est complètement volontaire pour rappeler le grain laissé par l'impression de mauvaise qualité.

Lichtenstein a appliqué ce processus créatif pour ces célibrissimes tableaux de femmes, tirées de l'imagerie collective de la jeunes femmes glamour et fragile débordante d'émotion vis-à-vis de son homme.


Aux peintures les moins connues


L'exposition du Centre Pompidou nous permet de découvrir par exemple la série des brushstrokes, qui représente des coups de pinceau agrandis, devenant ainsi sujet de l’œuvre, comme une hymne à la peinture.
Brushstrokes - 1965

Lichtenstein a, après la peinture, représenté l'art comme sujet, avec des réécritures d'oeuvres de Picasso, Mondiran, Matisse... Au-delà de ces séries, on trouve aussi beaucoup de référence à l'histoire de l'art dans ces tableaux, comme les vagues d'Hokusaï qui sont placées dans un paysage.
Drowning Girl - 1963 (la mer d'Hokusaï, non?)

Autre découverte intéressante de Lichtenstein : le nu féminin. Il applique son style extrêmement aseptisé pour représenter des femmes aux corps lisses et parfaits mais sans le moindre érotisme.

Lichtenstein a aussi été sculpteur


La grande découverte de cette expo sont pour moi les sculptures de Lichtenstein, des volumes ou des représentations 2D comme des peintures découpées, toujours en appliquant son trait, ses points sérigraphiés et ses couleurs ; la transposition est d'ailleurs étonnante.
Cup and saucer - 1977



Blonde - 1965
A chaque exposition, le Centre Pompidou propose un petit album pour 9€, encore une fois bien fait, synthétique et avec de larges visuels et un texte digeste.

Les phrases pour se la raconter :

  • "2/3 des oeuvres du Centre Pompidou sont inédites par rapport à l'exposition de la Tate"
  • "On apprend à décrypter ce peintre hyperpopulaire qu'on pensait connaître à tort."
  • "Il nous montre la force des images, et c'est une problématique qu'on a pas fini d'aborder" 

Infos pratiques sur l'exposition Roy Lichtenstein au Centre Pompidou :


Jusqu'au 4 novembre
La densité de visiteur est très correcte et la visite donc très agréable, le Centre Pompidou est ouvert jusqu'à 23h tous les soirs sauf le mardi
Durée de visite : 1h
13€, TR 10€ / 11€, TR 9€, selon période



Constance Jacquot



dimanche 25 août 2013

Penone Versailles

Avis sur l'exposition "Penone Versailles" au château de Versailles : une exposition et un artiste intéressant qui seront l'occasion de redécouvrir le domaine de Versailles.


N'hésitez pas à venir même si les expositions ne sont pas votre truc ou encore en famille. Le cadre change des galeries du musée et vous trouverez facilement des documents d'aide à la visite généreux sur place. Le château de Versailles, c'est un peu la folie, mais suivez mes conseils et vous serez zen !

Peu connu du grand public, mais très valorisé dans l'univers des foires et du commerce de l'art, "Penone Versailles" permet de voir des sculptures monumentales et compréhensibles de l'artiste (certains de ces travaux sont bien moins accessibles et paraissent capillotractés). Penone est un artiste influent de l'arte povera, souvent considéré comme la vitrine de ce mouvement né en Italie dans les années 60, influencé par un besoin au retour aux valeurs traditionnelles traduit par l'utilisation de matériaux brut non picturaux, sans intermédiaire ni support, dans le but d'en révéler les qualités esthétiques et émotionnelles intrinsèques des matériaux.

Le sculpteur Penone à la rencontre de Le Nôtre


L'Orangerie du château de Versailles

Le château de Versailles accueille tout les ans un artiste contemporain à développer son travail dans ce lieu unique, jouant bien évidemment sur les chocs visuels et artistiques. Penone présente cette année des œuvres créées antérieurement à l'exposition, ce qui n'était pas le cas des artistes précédents, en soutenant l'idée qu'une oeuvre d'art doit l'être partout. Néanmoins, les sculptures d'arbres siéent aux jardins dans lesquels elles sont installées : il opposent l'impossible désir de contrôle de Le Nôtre à l'aspect brut des sculptures. Les jardins sont un symbole de la grandiosité de la nature : il ne faut pas oublier qu'à l'époque de leur création, la perspective depuis la grande terrasse montrait peu d'humains, alors que la présence de la nature, certes maîtrisée à travers la géométrie des tracés, était manifeste.

Le concept de Penone : reproduire la nature


Arbre foudroyé par Penone

Penone propose un parcours dans les jardins présentant donc des sculptures en bronze d'arbres moulés. Il ne cache pas sa volonté de reproduire la nature et rattache son travail à Versailles car l'un des cèdres utilisés a justement été acheté par Penone au domaine suite à la tempête dévastatrice de 1999. Il utilise beaucoup l'or dans ces arbres pour représenter la lumière ; ce matériaux fait écho à la majestuosité de Versailles mais m'a surpris dans le concept d'arte povera qui se traduit tout de même par "art pauvre".

Deux oeuvres ont particulièrement retenu mon attention

 

Albero-porta - Cedro ("Arbre-porte - Cèdre")

Giuseppe Penone est un artiste sensible au processus. Lorsqu'il coule un bronze, il ne voit pas le résultat avant la toute fin de l'opération. Cette oeuvre a un procédé plus original : il a sculpté le jeune arbre cèdre dans le tronc (acheté suite à la tempête de 1999).

Arbre-porte - Cèdre par Penone

Anatomia

Les blocs de marbres d'Anatomia révèlent les veines naturelles du marbre par le travail de la sculpture de veines en relief, et montre la vie et l'énergie circulant dans cette matière naturelle qui pourrait paraître inerte (tout comme le bois).

Les 3 pièces à l'intérieur du château ont moins d'impact que les 17 exposées dans les jardins, aussi vous n'êtes pas obligé de prendre un billet château pour voir la partie la plus intéressante de "Penone Versailles". Les jardins valent vraiment d'être découverts, surtout les week-end alors que les bosquets, lieux sublimes mais fragiles, sont ouverts et les fontaines en eaux. Ma seule réserve quant à cette exposition est que les oeuvres placées sur la terrasse gênent les touristes qui voudraient prendre une photo de la grande perspective (mais ça cache le bassin de Latone en travaux...)

Les sculptures du bosquet de l'étoile

Informations pratiques sur l'exposition "Penone Versailles"


Jusqu'au 31 octobre
Durée de visite : compter 1h30 pour voir toutes les pièces, le mieux est encore d'y passer tranquillement l'après-midi
Horaires : les jardins sont ouverts tous les jours de 8h à 20h30 (évacuation 20 min avant, château fermé le lundi). Les samedis 31/08, 07/09 et 14/09, les jardins fermeront à 17h30.

 

Conseils :

  • L'exposition est gratuite sauf les mardis et week-end où l'accès aux jardins est payant pour tout le monde même ceux qui bénéficient de la gratuité du château.
  • Vous pouvez acheter votre billet en ligne ou sur place à l'entrée des jardins à droite, ne vous inquiétez pas vous n'aurez pas à faire l'immense queue de la , cour d'honneur qui est celle pour accéder au château ! Le tarif est de 7,5 € le mardi et 8,5 € le week-end. Il n'y a pas trop de queue à l'entrée des jardins, il n'est donc pas indispensable d'acheter son billet en avance.
  • Je recommande une visite plutôt le week-end avec la mise en eaux des fontaines qui justifient le prix, le mardi est payant à cause de la musique qui est finalement assez insupportable.
  • Vous pouvez également visiter l'exposition AHAE accessible aux mêmes conditions dans l'Orangerie. Le travail de ce photographe est grand public et plutôt plat mais c'est l'occasion d'entrer dans l'Orangerie, fermée au public.

Constance Jacquot

lundi 5 août 2013

Simon Hantaï au Centre Pompidou, une nouvelle vision de l'artiste

Le Centre Pompidou propose une exposition riche d'apprentissage du peintre Simon Hantaï avec des œuvres complètement différentes qui celles que nous avons l'habitude de voir dans les collections des musées d'art moderne.

Les œuvres emblématiques de Simon Hantaï


Hantaï est surtout connu pour ses peintures avec des techniques de pliage qui occupe la majeure partie des collections, de sa carrière et de l'exposition. La toile est pliée avant d'être peinte, il ne maîtrise donc pas le résultat final avant le dépliage : le processus créatif se fait à l'aveugle.
Il a décliné la techniques en plusieurs variantes à l'origine de plusieurs séries, les "mariales", les "meuns" et les "tabulas".

Meuns de Simon Hantaï, 1967-68

Tabula de Simon Hantaï, 1980

Les nouages, froissages, pliages étaient complétés par des retouches à postériori pour modifier l'équilibre entre le peint et le non-peint.

Mon avis

J'ai été déçu d'apprendre que Simon Hantaï avait recours à ce procédé ; le résultat passe pour incontrôlé, laissé au hasard, mais on découvre qu'il ne l'est pas, et la toile ne rend pas hommage à l'ampleur du travail. Je n'ai pas compris le sens de la répétition de cette même technique, qui varie certes à chaque fois, mais qui a lourde tâche de définir chaque tableau.

A la découverte de Simon Hantaï : son œuvre "de jeunesse"


L'exposition du Centre Pompidou demeure néanmoins riche d'apprentissage : j'ai pu y admirer pour la première fois son travail de jeunesse alors qu'il appartenait au groupe surréaliste, tout en interprétant leurs techniques.

Œuvre sans titre de la période surréaliste de Simon Hantaï, 1951

Une période gestuelle a suivi, très inspirée de Pollock et de Georges Mathieu, en négatif de leur technique puisque chez Hantaï les couches de matières et de peinture son grattée pour créer le tracé.

Peinture de Simon Hantaï de la période gestuelle, 1953

Ces travaux l'amenèrent à l'expérimentation des petites touches et des écritures, et nous laisse cette œuvre surprenante et immense qui a nécessité un an de travail, alterné sur les 2 panneaux dans une commune gestation.

Ecriture rose et A Galla Placidia de Simon Hantaï, 1958-59

L'exposition Simon Hantaï au Centre Pompidou est une belle opportunité pour les fans du peintre et les amateurs d'art de compléter leur culture par la connaissance des pans très différents qui ont composé la carrière de ce peintre. De plus, les toiles sont grandes, il est facile de se faire un avis, et l'exposition est agréable car peu fréquentée : une bulle de détente dans un Beaubourg toujours bien occupé avec l'exposition Roy Lichtenstein.

Infos pratiques sur l'exposition Simon Hantaï au Centre Pompidou :


Jusqu'au 2 septembre 2013
De 11h à 21h sauf le mardi, jusqu'à 23h le mardi
Durée de visite : 35 min à 1h
Tarif : 13€, TR 10€ / 11€, TR 9€ selon la période, je vous recommande le pass à 22€ pour les -26 ans et sinon 48€

Constance Jacquot

dimanche 4 août 2013

L'expositon d'AHAE "Fenêtre sur l'extraordinaire" au Château de Versailles

Avis sur l'expositon d'AHAE "Fenêtre sur l'extraordinaire" à l'Orangerie du Château de Versailles, est-elle à voir ou non : oui, dans le cadre d'une visite du Domaine.


AHAE présente une nouvelle exposition de grande envergure dans des galeries spécialement aménagées dans l'Orangerie du Château de Versailles, exceptionnellement ouverte au public à cet occasion.

Une exposition photos à l'Orangerie


AHAE est un businessman prolifique né au Japon mais ayant réussi dans son pays d'origine, la Corée, et ayant toujours eu une grande sensibilité artistique, qui le poussa, une fois retiré des affaires, à se consacrer à la photographie et à présenter son travail au monde. En deux mots, AHAE est un vieux monsieur fortuné, ce qui lui permet de s'offrir le meilleur équipement photo, de beaux lieux d'exposition (l'année dernière, c'était l'Orangerie des Tuileries) et de grands plans médias pour promouvoir ses évènements. Cela me paraît important à préciser car on se doit d'être moins tolérant aux imperfections lorsqu'on sait qu'un artiste bénéficie de ces conditions de travail et de ces moyens de reconnaissance.

Le concept de "Fenêtre sur l'extraordinaire" est que toutes les photos sont prises depuis une même fenêtre (dans sa maison de campagne en Corée). L'exposition présente des photos en grands et très grands formats de la nature statique et de la vie visible (à l'aide des téléobjectifs les plus pointus) depuis sa fenêtre, avec une chronologie qui paraît s'écouler sur une journée. Les images sont très belles, les paysages expressifs et les nombreux animaux sont shootés dans les actes de leur vie quotidienne, qui peuvent donner des scènes drôles ou touchantes. Le choix des techniques d'impression est très intéressant : papier type aquarelle très chargé en encre pour les paysage et les animaux et impression sous couche de verre pour les images de lune et de soleil qui permet de mieux en transmettre la lumière.




AHAE : un bon photographe, pas un artiste


Néanmoins, de jolies images ne suffisent pas à faire d'AHAE un artiste. Ses photos sont de bonnes qualités car il a les meilleurs équipements mais ses sujets et ses compositions photographiques sont très plates, plus proche du reportage et du documentaire que de l'art. Les visuels peuvent impressionner par leur grande taille mais ne provoque aucun sentiment chez le visiteur.

"Fenêtre sur l'extraordinaire" est au moins l'occasion de pénétrer dans l'Orangerie, lieu impressionnant par ses dimensions et son atmosphère qui accueillent les orangers du parterre pendant l'hiver et habituellement fermé au public. L'exposition s'inscrit bien dans le thème de l'Année Le Nôtre que célèbre le Domaine de Versailles : tandis que Le Nôtre désire la maîtrise parfaite des éléments naturels, AHAE se laisse complètement surprendre et n'est que spectateur de la nature.

Le parterre de l'Orangerie


Informations pratiques sur l'expositon d'AHAE "Fenêtre sur l'extraordinaire" au Château de Versailles :


Jusqu'au 9 septembre 2013
Gratuit les lundi, mercredi, jeudi et vendredi: l'Orangerie est situé dans les Jardins, dont l'accès est gratuit sauf les jours de "Grandes Eaux Musicales" et de "Jardins Musicaux" (mise en eau des fontaines)
Ouvert tous les jours de 10h à 18h (le Château est en revanche fermé le lundi) et le samedi soir
Durée de visite : 30 minutes

mercredi 10 juillet 2013

Danh Vo et son exposition "Go Mo Ni Ma Da" au MAM

Avis sur l'expo "Go Mo Ni Ma Da" de Danh Vo au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris : est-elle à voir ou non ? Si vous allez voir Keith Haring avant oui, autrement elle ne vaut pas le détour.

L'expo de Danh Vo est présenté dans l'espace ARC du MAM, c'est-à-dire la gallerie à l'étage. Elle est composée de quelques oeuvres imposantes réunies en 4 groupes. Danh Vo est un artiste vietnamien né en 1975 et ayant fuit son pays pour le Danemark à l'âge de 4 ans, qui a déjà exposé au Guggenheim de New-York et est présent à la biennale de Venise. Même si l'on n'apprécie pas l'esthétique des matériaux de récupération de ses oeuvres, son expérience, sa reconnaissance et son histoire donne une grande crédibilité à son fort engagement politique qui mérite d'être observé dans son travail.

La politisation de son travail est présente déjà par le choix des matériaux, c'est-à-dire des objets de récupération issus d'évènements  ou de bâtiments symboliques, par exemple les lustres proviennent de l'hôtel Majestic où ont été signées les accords Etats-Unis - Vietnam en 1973.
Le questionnement de Danh Vo porte notamment sur l'hégémonie non-souveraine d'un été sur un autre dans un contexte de décolonisation, ce qu'a bien sûr vécu le Vietnam. La pièce qui me semble la plus intéressante est une statue de la liberté en cuivre, réplique à l'échelle 1 de l'originale démontée en 20 pièces, comme une allégorie du monde libre idéalisé finalement détruit.
Dans un autre registre, des tableaux représentent l'évangélisation des non-chrétiens en Asie.

Informations pratiques sur l'expo "Go Mo Ni Ma Da" de Danh Vo au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris :
Temps de visite : en 20 min vous pouvez avoir fait le tour
Jusqu'au 18 août
Tarifs : 6€/4,5€/3€ (si vous visitez l'exposition de Keith Haring, vous pouvez accéder à "Go Mo Ni Ma Da" pour 1€ de plus)

Constance Jacquot

lundi 17 juin 2013

Keith Haring et son exposition "The Political Line" au musée d'Art Moderne de la ville de Paris

Keith Haring 1982 (il ne donnait pas de nom à ses
oeuvres pour ne pas influencer le spectateur)
Avis sur l'expo Keith Haring "The Political Line" au musée d'Art Moderne de la ville de Paris : est-elle à voir ou non ? OUIII !!! Visiter l'expo "The Political Line" est un grand moment de découverte et de compréhension artistique, et ce de façon totalement distincte du graphisme ou de la technicité de Keith Haring qui peuvent ne pas plaire.

J'étais loin d'être une fan acquise de Keith Haring. Je trouvais son dessin et son trait simpliste et son propos un peu facile. Et pourtant, "The Political Line" est l'une des expositions les plus passionnantes que j'ai jamais visité.



Les thèmes et la chronologie dans l'expo "The Political Line"

Dans "The Political Line", le MAM présente le travail de Keith Haring sous un aspect thématique puisque chaque salle est dédiée à un engagement politique de l'artiste, avec une certaine chronologie sous-jacente puisqu'évidamment ses préoccupations évoluèrent au long de sa vie. Ce "classement", soutenu par le panneau explicatif à l'entrée de la salle, facilite l'immersion du spectateur dans le message artistique. De plus, Keith Haring est un artiste très explicite et très franc, on est capable de lire ses peintures comme un livre ouvert. Il travaillait très vite, sans se repentir, sans pause, et ne laisse ainsi aucune place au superflu ni à l'ornemental, tant dans la forme que dans le fond.

Chaque icône, chaque geste, chaque répétition est porteur de sens. Il a créé son propre alphabet pour parler au monde. En plus de cette force conférée à ses messages, ses toiles interrogent notre vision de l'art et notre culture. Sa grande spontanéité suscite un doute sur l'achèvement de ses peintures et il revendique même la vente d'un travail qui n'est finalement jamais achevé, tout en renonçant au concept de "valeur" d'une oeuvre en choisissant des supports tels que des bâches plutôt que des toiles.
Sa technique de dessin est "simple" mais assumée, il opposait son style à celui de la Renaissance, où les artistes cherchaient à représenter le vivant, tandis que lui veut le créer par son trait, donnant ainsi un dynamisme et un mouvement perceptible à ses dessins, soutenu par les couleurs vives et franchement contrastées ainsi que par les sujets représentés : corps animés, êtres en transformation, animaux violents, foules enivrées...
Keith Haring 1981

Keith Haring 1985

Keith Haring 1981

Keith Haring 1984

Keith Haring est un artiste facile à comprendre

La satisfaction pour le visiteur de comprendre est immense (personnellement j'ai lu le dossier pédagogique avant la visite, qui convient également très bien aux adultes !) Ses messages n'ont pourtant rien de simplistes. Keith Haring a beaucoup exploité son esthétique qu'on a souvent vu sur divers objets, mais isolé sur une bâche, l'attention n'est pas détournée par le support et le message prend davantage de force. Evidemment, il dénonce le racisme et le capitalisme en masse, mais fait preuve d'une grande nuance dans sa critique de la religion. Il partage sa vision de l'évolution de la planète aux niveaux nucléaires et écologiques, et nous représente comme décisionnaires de ce futur. Il se montre également visionnaire dans sa représentation des médias et de leur incidence sur nos vies, notamment par le remplacement des têtes par des écrans. Il prônait également l'hégémonie de l'individu face à l'Etat et la masse et l'accès de l'art à tous, notamment par ses dessins dans le métro et sur divers batiments.
Keith Haring 1985

Keith Haring 1982





Avec cette dernière idée, l'exposition "The Political Line" nous présente ses actions concrètes pour amener l'art à tous : dessins dans le métro, peintures murales, etc... Ses "pop shops", magasins d'objets dérivés de son graphisme, peuvent aussi être considérés comme une volonté de sa part de diffuser l'art dans le quotidien de chacun.

Le MAM a fait des choix très judicieux en choisissant l'angle politique pour présenter Keith Haring et grâce à cette structure thématique. L'exposition est très agréable à visiter même lorsqu'il y a du monde, les pièces sont immenses et quasiment en continu, les supports mixés dans chaque salle pour avoir aussi bien des toiles aux murs que des objets au centre. De plus, les oeuvres sont de très grands formats, ce qui garantit au moins une bonne visibilité, au mieux une incroyable immersion.

Les phrases pour frimer :
  • "L'art naïf, c'est naze ou c'est génial. Keith Haring est absolument génial, ses traits simplistes prennent une telle profondeur."
  • "Tu peux comprendre Keith Haring comme tu lis un livre, grâce à ses icônes et symboles récurrents qui te racontent la toile."
Vous pouvez prendre des photos et le journal de l'exposition, qui fournit un bon support de visite et un souvenir de visite bien suffisant, ne coûte que 3€.

Information sur l'expo Keith Haring "The Political Line" au musée d'Art Moderne de la ville de Paris :
Jusqu'au 18 août 2013
Durée de visite : 40 min minimum, 1h suffit à prendre le temps de tout comprendre, et prévoir plus pour les acharnés qui veulent lire tous les hiéroglyphes
Tarifs : 11€ / 8€ / 5,5€ 
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, le jeudi en nocturne jusqu'à 22h (=> à privilégier, c'était parfait)
Il y a encore beaucoup de monde le week-end (30m de queue à l'extérieur du MAM) mais les billets coupe-file semblent efficace il n'y avait que quelques personnes qui attendaient.