dimanche 15 avril 2012

Avis sur le roman "Mars" de Fritz Zorn

Faut-il lire ou non Mars de Fritz Zorn ?
Oui. 


Fritz Zorn est un auteur méconnu et pour cause, il n'a écrit qu'à la veille de sa mort en 1977. Fritz Zorn est le pseudonyme d'un suisse issu d'une famille riche de Zurich et toute sa vie restera dans la bienséance, la retenue, incapable de vivre, jusqu'à contracter un cancer qui se généralise et l'emporte.

Quand bien même Fritz Zorn peut passer par un enfant trop gâté par la vie et qui a finalement construit sa déchéance intérieure, ce livre est bouleversant par son écriture qui donne la sensation d'entrer dans une âme à vif, et une âme qui souffre, bien qu'elle tente de rester digne.


Fritz Zorn porte un regard sans indulgence sur sa vie et le milieu dans lequel il a évolué. Il décrit sévèrement les non-dit qui règnes dans sa famille, le comportement bien élevé qu'il se doit d'adopter et qui l'empêche de toute relation sociale normale et son incapacité complète à agir : « J’étais intelligent mais je n’étais capable de rien » Fritz Zorn est malheureux et nous partage son désespoir et sa colère qu'il a contenu toute sa vie.

Fritz Zorn refuse de raconter le vécu dans Mars : il ne raconte pas les détails de l’unique dispute de ses parents, ni sa vie de professeur. Il montre ainsi qui n’a pas vécu et concentre le lecteur sur son malaise intérieur. Le style est volontairement sévère pour ne pas être pathétique.

Dans la maison où a grandi Fritz, tous les problèmes sont éludés et reportés au lendemain, ou sur d’autres. Les réponses sont toujours en demi-teinte. Les sujets sérieux de la vie sont toujours « incomparables » ou « compliqués » si bien que le non-dit règne. Ils ne prennent jamais aucune décision tranchée et ferme, les oui mous peuvent aussi bien sous-entendre un non possible, personne n’a d’opinion propre sinon l’opinion générale de leur milieu qu’il est bon de penser. Le corps humain disparait dans la bienséance sociale et la bonne éducation occulte l'unité du corps et de l'âme.
Fritz se rend compte alors qu’il est étudiant qu’il n’est pas normal, mais il est incapable d’agir.
C’est face à la mort que Fritz va pour la première fois ne pas consentir aux évènements et se met en colère contre Dieu et la création. La société dans laquelle il a grandi cherche à l’empoisonner de son désespoir alors que lui voit la mort positivement : « Puisque ma vie fut morte, ô Mort, soit donc ma vie ! » 

Constance Jacquot

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