dimanche 15 avril 2012
Avis sur l'expo Christopher Whool au Musée d'Art Moderne de Paris
L'exposition du peintre Christopher Whool est-elle à voir ou à ne pas voir ?
A voir, mais dans le cadre d'une visite complète du Musée d'Art Moderne de la ville de Paris.
Les toiles de Christopher Whool sont très impressionnantes à admirer. On a parfois l'occasion de tomber sur une de ses œuvres dans les expositions, mais là c'est tout à faire différent : l'accumulation de ces toiles, 31 précisemment, dans un même espace, dégage une grande énergie et ne laisse pas indifférent.
L'accumulation dans ce même espace est également le défaut de cette exposition, qui n'est étalée que sur une seule grande salle. Les œuvres sont trop serrées, trop alignées, elles sont toutes confondues et mises au même niveau, si bien qu'il est difficile pour une visiteur connaissant peu Christopher Whool d'apprécier chaque œuvre indépendamment. D'autre part, le Musée d'Art Moderne a été très avare d'explications, sinon quelques notes biographiques. L'exposition veut présenter la démarche de l'artiste, des outils, des procédés, des hésitations, des repentirs, mais on ne la comprend pas sans préparation. Pourquoi la sérigraphie ? Pourquoi les pochoirs? Le visiteur non aguerri n'ira pas s'émouvoir spontanément des hasards et reprises de l'oeuvre de Christopher Whool. Il faut rendre au grand public le droit de comprendre les oeuvres d'artistes aussi subtils que et abstraits, plutôt que de les laisser incompris !
Ma première réaction en arrivant au fond de la salle, au bout de 20 petites minutes, fut un grand "c'est tout?!" extrêmement désabusé. C'est en demandant à un surveillant que je me suis rendu compte qu'il y avait quand même une trentaine d'œuvre. Si c'était à refaire, je préparerait ma visite, en me renseignant sur Christopher Whool, l'œuvre dans son ensemble et le thème de l'exposition, avant de m'y lancer.
Dans tout les cas, ne venez pas au Musée d'Art Moderne uniquement pour l'exposition Christopher Whool : profitez-en pour voir l'exposition sur les artistes mexicains, avec un billet couplé, sinon vous garderez le goût amer du sentiment de vous être fait arnaqué de payer un ticket pour une exposition si courte et brute.
Infos pratiques : Christopher Whool au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris
Jusqu'au 19 août 2012
Demi-tarif : 3€ / Tarif réduit : 4,5€ / Plein tarif : 6€
Constance Jacquot
Avis sur le roman "Mars" de Fritz Zorn
Faut-il lire ou non Mars de Fritz Zorn ?
Oui.
Fritz Zorn est un auteur méconnu et pour cause, il n'a écrit qu'à la veille de sa mort en 1977. Fritz Zorn est le pseudonyme d'un suisse issu d'une famille riche de Zurich et toute sa vie restera dans la bienséance, la retenue, incapable de vivre, jusqu'à contracter un cancer qui se généralise et l'emporte.
Quand bien même Fritz Zorn peut passer par un enfant trop gâté par la vie et qui a finalement construit sa déchéance intérieure, ce livre est bouleversant par son écriture qui donne la sensation d'entrer dans une âme à vif, et une âme qui souffre, bien qu'elle tente de rester digne.
Fritz Zorn porte un regard sans indulgence sur sa vie et le milieu dans lequel il a évolué. Il décrit sévèrement les non-dit qui règnes dans sa famille, le comportement bien élevé qu'il se doit d'adopter et qui l'empêche de toute relation sociale normale et son incapacité complète à agir : « J’étais intelligent mais je n’étais capable de rien » Fritz Zorn est malheureux et nous partage son désespoir et sa colère qu'il a contenu toute sa vie.
Fritz Zorn refuse de raconter le vécu dans Mars : il ne raconte pas les détails de l’unique dispute de ses parents, ni sa vie de professeur. Il montre ainsi qui n’a pas vécu et concentre le lecteur sur son malaise intérieur. Le style est volontairement sévère pour ne pas être pathétique.
Dans la maison où a grandi Fritz, tous les problèmes sont éludés et reportés au lendemain, ou sur d’autres. Les réponses sont toujours en demi-teinte. Les sujets sérieux de la vie sont toujours « incomparables » ou « compliqués » si bien que le non-dit règne. Ils ne prennent jamais aucune décision tranchée et ferme, les oui mous peuvent aussi bien sous-entendre un non possible, personne n’a d’opinion propre sinon l’opinion générale de leur milieu qu’il est bon de penser. Le corps humain disparait dans la bienséance sociale et la bonne éducation occulte l'unité du corps et de l'âme.
Fritz se rend compte alors qu’il est étudiant qu’il n’est pas normal, mais il est incapable d’agir.
C’est face à la mort que Fritz va pour la première fois ne pas consentir aux évènements et se met en colère contre Dieu et la création. La société dans laquelle il a grandi cherche à l’empoisonner de son désespoir alors que lui voit la mort positivement : « Puisque ma vie fut morte, ô Mort, soit donc ma vie ! »
Constance Jacquot
Oui.
Fritz Zorn est un auteur méconnu et pour cause, il n'a écrit qu'à la veille de sa mort en 1977. Fritz Zorn est le pseudonyme d'un suisse issu d'une famille riche de Zurich et toute sa vie restera dans la bienséance, la retenue, incapable de vivre, jusqu'à contracter un cancer qui se généralise et l'emporte.
Quand bien même Fritz Zorn peut passer par un enfant trop gâté par la vie et qui a finalement construit sa déchéance intérieure, ce livre est bouleversant par son écriture qui donne la sensation d'entrer dans une âme à vif, et une âme qui souffre, bien qu'elle tente de rester digne.
Fritz Zorn porte un regard sans indulgence sur sa vie et le milieu dans lequel il a évolué. Il décrit sévèrement les non-dit qui règnes dans sa famille, le comportement bien élevé qu'il se doit d'adopter et qui l'empêche de toute relation sociale normale et son incapacité complète à agir : « J’étais intelligent mais je n’étais capable de rien » Fritz Zorn est malheureux et nous partage son désespoir et sa colère qu'il a contenu toute sa vie.
Fritz Zorn refuse de raconter le vécu dans Mars : il ne raconte pas les détails de l’unique dispute de ses parents, ni sa vie de professeur. Il montre ainsi qui n’a pas vécu et concentre le lecteur sur son malaise intérieur. Le style est volontairement sévère pour ne pas être pathétique.
Dans la maison où a grandi Fritz, tous les problèmes sont éludés et reportés au lendemain, ou sur d’autres. Les réponses sont toujours en demi-teinte. Les sujets sérieux de la vie sont toujours « incomparables » ou « compliqués » si bien que le non-dit règne. Ils ne prennent jamais aucune décision tranchée et ferme, les oui mous peuvent aussi bien sous-entendre un non possible, personne n’a d’opinion propre sinon l’opinion générale de leur milieu qu’il est bon de penser. Le corps humain disparait dans la bienséance sociale et la bonne éducation occulte l'unité du corps et de l'âme.
Fritz se rend compte alors qu’il est étudiant qu’il n’est pas normal, mais il est incapable d’agir.
C’est face à la mort que Fritz va pour la première fois ne pas consentir aux évènements et se met en colère contre Dieu et la création. La société dans laquelle il a grandi cherche à l’empoisonner de son désespoir alors que lui voit la mort positivement : « Puisque ma vie fut morte, ô Mort, soit donc ma vie ! »
Constance Jacquot
Avis sur le roman de Stefan Zweig "La Pitié Dangereuse"
Faut-il lire ou non La Pitié Dangereuse de Stefan Zweig ?
Oui, définitivement, pour la démonstration très original que la pitié n'est pas un sentiment d'empathie.
La Pitié Dangereuse est un long roman de 1939, un format très inhabituel dans l'œuvre de Zweig.
En 1913, dans une petite ville de garnison autrichienne, Anton Hofmiller, jeune officier de cavalerie, est invité dans le château du riche Kekesfalva. Au cours de la soirée, il invite la fille de son hôte à danser par politesse, et commet ainsi une erreur car elle est handicapée.
C'est en tentant de la réparer que les évènements s'enchaîneront de façon de plus en plus catastrophique jusqu'à la destruction de la famille. La pitié qu'il éprouve pour la jeune femme le soulage, mais a des conséquences qu'il ne contrôle pas. Il n'a pas le courage de cesser dans son comportement, ni le courage de froisser la jeune fille (ce qui serait un mal pour un bien).
« Il faut tout d’abord nous méfier de notre instinct de pitié ; à l’opposé de la compassion, il est toujours ambigu, il comporte une grande part de valorisation de soi-même, de jouissance à se sentir meilleur ou plus fort. » Anton n'est pas sadique et ne se fait pas aimer pour en jouir, mais il est lâche.
Ce qu'il faut retenir du roman :
- La présentation de la société autrichienne d’avant guerre et de ses préjugés
- La dangerosité de la pitié
- La force et la pérennité de la culpabilité (même la guerre n’arrive pas à l’effacer de la vie d’Anton)
- L’histoire du riche Kekesfalva, nouvelle mise en abyme dans le roman qui rappelle le style de Zweig (hormis la fin positive) : il y est parvenu de façon crapuleuse
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